Ce texte a généreusement été partagé par une femme de notre communauté avec comme objectif de diversifier les expériences & les savoirs qui sont présentés sur ce blogue.
Jusqu’à récemment, l’histoire que j’ai vécue avec mes menstruations était empreinte de sentiments négatifs. Honte. Peur. Dégoût. Culpabilité. Haine. Tristesse. En écrivant ce texte, je signe un nouveau chapitre sur cette histoire. J’appelle une relation plus joyeuse avec mes cycles. Une relation dans laquelle je souhaite célébrer. Joie. Gratitude. Curiosité. Introspection. Amour.
Écrire ces trois chapitres sur la relation que j’ai entretenue avec mes menstruations est un partage sensible, mais libérateur. Mon intention est aussi de rejoindre les personnes qui, comme moi, auraient vécu un début de relation houleux avec leurs règles. Pour que nos prochains chapitres soient plus doux.
Chapitre 1 – La Ménarche
Je me souviens clairement de ma ménarche. Le contexte et mon ressenti sont gravés dans ma mémoire à la manière d’un traumatisme. Et pourtant, je célèbre aujourd’hui cette force de création et d’introspection.
Je terminais mes douze ans. Ma famille et moi étions en visite chez une famille amie. Pendant la soirée, je me sentais ballonnée. À un moment, j’avais l’impression que quelque chose s’échappait de moi. J’avais le sentiment que mon corps relâchait de petites perles humides et gazeuses dans mon sous-vêtement. Je ne pensais pas du tout que cela pouvait être ça. Il a bien fallu que je me rende à l’évidence. J’étais menstruée pour la première fois.
J’haïssais ce mot. Menstruée résonnait dans ma tête comme l’adjectif monstrueux. Je cherchais vainement d’éviter ce passage. Je mettais les freins, mais mon corps suivait sa pulsion de vie. Je me sentais honteuse et souillée. J’avais peur.
Ce soir-là, de retour à la maison, j’ai montré le fond de ma culotte à ma mère en guise d’explication. Aucun mot n’avaient pu sortir de ma bouche. En fait, je ne savais pas comment exprimer ce que je vivais. Les menstruations avaient toujours, pour moi, été taboues.
Chapitre 2 – L’Aménorrhée
Au secondaire, j’ai souffert d’un épisode d’anorexie. Il n’a jamais été diagnostiqué. En fait, je me suis souvent questionnée à savoir si c’était bel et bien de l’anorexie. Reste que j’ai perdu beaucoup de poids, rapidement. Je n’en étais pas fière. Je voulais me faire invisible. J’étais obsédée par les calories. Je buvais de l’eau citronnée comme déjeuner. Je mangeais du céleri et de la moutarde comme dîner. Je coupais les soupers comme je le pouvais.
J’étais aussi très sportive. Parfois, je perdais le contrôle. Honnêtement, je ne sais pas combien de temps cela a duré. Je me rappelle encore des chiffres sur la balance et du nombre de calories que contiennent le pain blanc, les œufs et la mayonnaise. Je me rappelle aussi d’avoir découvert la signification du mot aménorrhée ayant perdu mes menstruations pendant 8 mois. Perdre mes menstruations n’était pas désagréable, mais c’était un symbole de mon mal être.
Au Cégep, j’ai consulté pour des problèmes entourant mes menstruations. Entre temps, elles étaient revenues et j’avais aussi commencé à prendre la pilule contraceptive. Je m’inquiétais parce que dans la semaine de placebo qui devait provoquer l’arrivée du flot de sang, mes menstruations se présentaient de manière très faible voire s’absentaient. Je n’ai jamais su ce que c’était.
Au terme de ce chapitre de mes menstruations, j’entretenais encore une relation de dégoût envers mes règles, mais ce sentiment s’accompagnait aussi de la peur d’être brisée. D’avoir déréglé mes cycles. Je m’en remettais aux tampons aussi souvent que possible, car ils me permettaient d’éviter presque tout contact avec ce fluide que je trouvais sale. Encore une fois, les menstruations étaient, pour moi, taboues.
Chapitre 3 – Le Stérilet
Éventuellement, j’ai changé de moyen de contraception pour utiliser un stérilet avec hormone. Mon médecin me comptait parmi les chanceuses (c’est le mot qu’il utilisait) pour qui les menstruations s’absentent sous l’influence des hormones du stérilet. Justement, ce mot aussi me dérangeait parce qu’il me faisait sentir stérile. Mes cycles menstruels étaient devenus fantômes. Je ne ressentais pas de fluctuations d’émotions et je n’étais jamais menstruée sauf pour un peu de spotting bisannuel. Aucun symptômes menstruels ni prémenstruels. Ça a duré 9 ans. Deux stérilets. Puis je l’ai retiré.
Dans le mois suivant ce moment où j’ai retiré mon stérilet, la peur d’être brisée s’est représentée. Heureusement, elle a rapidement laissé place à la célébration. Lorsque mes menstruations sont finalement revenues, cela faisait presque une décennie que je n’avais pas vécu ce moment. J’expérimentais ma ménarche pour une deuxième fois.
Depuis, mes cycles me semblent moins mystérieux. Je les apprivoise et je suis heureuse de pouvoir le faire dans une ère où on parle de plus en plus de menstruations! La peur m’habite encore par moment. C’est viscéral. Il m’arrive de penser que je suis encore brisée, que mes cycles vont disparaître sans raison, que je vais perdre ce pouvoir de création. Toutefois, les autres sentiments qui ternissaient ma relation avec mes menstruations ne sont plus là. Ils ont laissé place à la joie, à la gratitude, à la curiosité, à l’introspection et à l’amour.
Texte partagé par Camille, professeure de yoga.
@sama.yoga.meditation