Texte et photo par B.
Comment sortir des traditions, de notre éducation si ancrée en nous pour se réinventer et vivre notre vie et notre sexualité en harmonie?
Je fais partie de la première batch de millenniaux à avoir vu le jour. Ma famille n’était pas tant religieuse, mais très stricte et traditionnelle, pas de musique, pas de télé et aucune démonstration d’affection ou de sentiments, car c’était vu comme un signe de faiblesse.
Pas un environnement qui soit propice à discuter de menstruations et encore moins de sexualité.
C’est dans ce contexte que je te retrace l’histoire ma vie jusqu’ ici :
J’ai 11 ans, mon professeur en dernière année de primaire nous parle de nos lunes, de façon relativement sommaire. On nous expliquait que cela permettait à la femme d’avoir des enfants et que ça revient tous les mois.
Quand je les ai eu, je n’avais pas vraiment idée de ce qui se passait réellement et peur d’en parler à ma mère, mais j’ai bien dû m’y résoudre quand j’ai vu que cela ne s’arrêtait pas. Elle m’a emmené dans la salle de bain, m’a donné une serviette hygiénique et est partie sans un mot.
J’ai 13 ans, le secondaire est une époque bénie, surtout grâce à mes amies qui m’ont appris ce qu’elles savaient des menstruations et des différents termes faisant partie de la sexualité.
La télé a faite son apparition chez nous et a apportée avec elle son lot d’informations comme l’homosexualité et les premières gay pride retransmises aux informations.
Évidemment, ce « genre de choses » ne passe pas, chez nous. Nous avons toujours le commentaire que si « l’un de nous est homo il se fera sortir de la maison à coup de fusil de chasse ».
Même si ma meilleure amie est aussi sexy que le gars devant moi en classe, je range ça très loin dans un des tiroirs de ma tête car ce n’est pas convenable et que tu ne veux surtout pas avoir de problèmes.
J’ai 15 ans, j’ai perdu ma virginité avec mon premier chum et mon père nous rencontre pour nous dire que nous devons nous marier ensemble.
J’ai 20 ans, je suis en coloc, c’est le début des chats par webcam, je rencontre une fille avec qui j’ai mon premier orgasme par cam interposées et je feel tellement mal et honteuse que se soit avec une femme et non un homme que j’arrête de lui parler et referme le tiroir au fond de ma tête.
J’ai 22 ans, je suis avec un homme qui correspond à ce que mes parents voulaient pour moi. J’attends notre premier enfant alors que nous ne sommes pas mariés et qu’il faudra y remédier rapidement. La pression est forte sur mes épaules car je dois impérativement avoir un garçon pour assurer la descendance du nom de famille de mon conjoint.
J’ai 25 ans, nous quittons la France pour venir s’installer au Québec, après nous être enfin mariés. Je découvre un pays avec une culture et une ouverture d’esprit tellement plus avancées que ce que j’ai connu toute ma vie. J’ai l’impression de ne pas être née du bon côté de l’Atlantique, être aussi loin de ma famille me permet de commencer à me libérer de la pression sociale et familiale.
J’ai 30 ans, j’ai quitté mon mariage qui ressemblait beaucoup trop à celui de mes parents, je date des femmes et des hommes. J’aime autant l’un que l’autre, mais il y a toujours cette petite voix dans ma tête qui me dit que c’est anormal et que je devrais rentrer dans le moule.
J’ai 31 ans, une amie me fait découvrir le shibari et je deviens une de ses partenaires, elle est tellement sensuelle quand elle m’attache. Je me sens connectée à elle comme je ne l’ai jamais été à aucun homme.
J’ai 33 ans, je suis en couple avec un homme merveilleux qui me fait connaître l’amour sein et véritable comme devrait l’être toutes les relations. Je lui parle du fait que je ressens le besoin de rencontrer des femmes pour pouvoir connaître cette partie de moi, je fais la rencontre d’une personne extraordinaire.
Et pour la première fois de ma vie je me sens comprise, supportée en harmonie avec moi-même, comme si l’Univers me récompensait enfin.
Je ne m’assume pas encore complètement, mais j’essaie de lier toutes les facettes de ma personnalité et je fais fie du moule que la société et les traditions familiales voulaient m’imposer.
Ce texte a généreusement été partagé par une femme de notre communauté avec comme objectif de diversifier les expériences & les savoirs qui sont présentés sur ce blogue.