Prisonnière de son corps – l’histoire de vestibulodynie d’Aurélie

Prisonnière de son corps – l’histoire de vestibulodynie d’Aurélie


Je m’appelle Aurélie, j’ai 26 ans, et je suis très fière de collaborer avec le blogue Comme des lapins. J’ai approché Marie-Pier afin de partager mon vécu concernant une situation qui touche beaucoup de femmes : les douleurs lors des relations sexuelles.


Suite à un long périple de 8 ans (et qui n’est toujours pas terminé), j’ai eu envie de partager mon vécu, d’une part pour exorciser le tout, mais également pour qu’un texte sur ce type de situation soit accessible à un maximum de femmes. J’ai eu envie de partager mon expérience qui je crois touche beaucoup plus de femmes que l’on ne pourrait imaginer. Ce témoignage est donc dans un but de renseigner sur cette situation si peu abordée.

 

On peut prendre la question de douleurs lors de relations sexuelles par différents angles. Tout d’abord, il faut mentionner que plusieurs pathologies peuvent provoquer des douleurs lors de la pénétration. Les plus entendues sont : vestibulodynie / vestibulite / vulvodynie / dyspareunie / vaginisme / endométriose, et j’en passe sûrement.

 

Dans mon cas, il s’agit de la vestibulite (vestibulodynie) accompagnée de vaginisme. Depuis que j’ai 17 ans, j’ai toujours eu des douleurs lors de tentative de relation sexuelle. J’ai vécu pendant de nombreuses années de l’errance médicale, c’est à dire me faire référer à un et à un autre pour cerner la problématique.

 

J’ai rencontré, au cours des 8 dernières années 4 médecins, 2 gynécologues, 2 sexologues, 1 psychologue et 3 physiothérapeutes. On m’a diagnostiqué des infections, des vaginites, et donc prescrits des médicaments qui finalement n’ont absolument rien changé. J’ai aussi participé à une recherche universitaire pendant un an sur les douleurs lors des relations sexuelles. C’est dans le cadre de cette étude que mon diagnostic officiel est tombé, il y a environ trois ans, suite à la rencontre d’un médecin spécialiste en santé sexuelle.



Après seulement une rencontre, et un test médical (celui du coton tige), PAF, enfin une réponse ! Une vestibulite/vestibulodynie qui disait. Jamais entendu parler de ça ! Tu parles d’un nom ! Une inflammation de l’entrée du vagin en quelque sorte, qui rend impossible la pénétration. La cause ? Inconnue. Traitement proposé ? Plusieurs … mais aucun n’est garanti.



Même si toute cette information demeure floue dans mon cerveau, je ne fais que me répéter à quel point je suis soulagée d’avoir enfin un diagnostic ! Quel soulagement de me confirmer qu’il ne s’agissait pas d’une situation que d’ordre mental, mais aussi physiologique. Beaucoup de mes spécialistes rencontrés me répétaient que c’était dans ma tête, que je devrais simplement me détendre, que « c’est juste une sensation », qu’après un verre de vin ou un petit joint, ça devrait aller. Tout le poids de ma réussite semblait donc reposé sur mes petites épaules, et ma capacité à me calmer … Mes 8 années ont donc été un mélange de rencontres intenses, de confidences, ne sentiment de ne pas être prise en charge.

 

Il y a eu des phases de découragement, ou je faisais tout simplement arrêter de consulter, par perte d’espoir et d’énergie. Cependant, je finissais toujours par retourner auprès d’un spécialiste, je voulais tellement guérir !

 


Ma première grosse étape vers la guérison a été franchie lorsque j’ai rencontré une physiothérapeute référée par le médecin en santé sexuelle. Je suis si nerveuse à l’idée de devoir tout expliquer, de me sentir jugé, laissez à moi-même une fois de plus. Ce fut en réalité la rencontre la plus soulageante de ma vie. 



La première spécialiste auprès de qui je me sens comprise, respectée et surtout qui souligne chaque petit pas. J’avais minimisé le sentiment sécurisant d’être prise en charge, qui me permet maintenant de concentrer mon énergie vers d’autres sphères de ma vie que j’avais malheureusement mise de côté. Quand tu consacres chaque jour de ta vie à réfléchir sur une question sans réponses, il est normal de se perdre en chemin.


On y pense tous les jours. On tente de chercher des réponses auprès de professionnels, et sur le web, mais tout demeure obscur. On se demande : vais-je un jour être pleinement épanouie ? Je ne peux m’empêcher encore aujourd’hui d’être complètement obsédée par cette pratique. Comment se fait-il que ne puisse pas vivre l’expérience la plus naturelle d’un être humain ?

 


Je dois mentionner que j’ai la chance d’avoir un amoureux extraordinaire, présent et compréhensif, qui ne m’a jamais mis de pression. Ma vie aurait probablement été tout autre si j’avais vécu du rejet suite à cette impasse. Mes proches étaient très compatissants, mais personne ne pouvait comprendre comment quelque chose de supposément si naturel était défectueux dans mon cas. C’était lourd, et pour eux qui voulaient tant m’encourager, et pour moi, qui cherchait désespérait de l’aide que personne ne pouvait me donner.

 

J’ai longtemps tenté de voir le côté positif de cette situation, et je dois avouer que ce n’est que récemment que je puisse dire qu’aller au-delà de la pénétration a sans aucun doute été bénéfique pour mon couple. Nous avons dû apprendre à nous découvrir et à nous donner du plaisir de différentes manières. Une nouvelle connexion que peut-être de nombreux couples ne pensent même pas à explorer.

 


Aborder la sexualité d’une manière plus large me donne envie de vous partager ce dont j’ai discuté avec une amie, l’essai
Au-delà de la pénétration, d’un certain Martin Pagé. 

 

Mon amie m’a raconté quelques concepts qu’elle a retenus de ce bouquin, et qui depuis quelques semaines résonnent en moi.

 

  • Glorification et caractère naturel de la pénétration dans notre société, alors qu’il ne s’agit pas nécessairement du meilleur moyen de faire plaisir à une femme
  • Désir de renouvellement et de pousser les limites continuellement, sans revenir aux bases (ce qu’est une caresse ou un baiser par exemple)
  • Remettre en cause toute l’idéologie et la construction sociale derrière la pénétration, non pas seulement dû à une anomalie ou maladie, mais juste par désir d’approcher ce que trop peu d’humains questionnent.


J’ai également envie de vous mettre en lien cet
article du magazine VOIR, qui aborde cette question de la pénétration systématique et de ce fameux essai. 

 

Aujourd’hui, malgré le fait que je ne peux toujours pas supporter une pénétration, je peux dire que je fais l’amour, j’ai des orgasmes et j’arrive à être épanouie dans ma vie sexuelle. Mon vécu et ma stabilité émotionnelle 8 ans plus tard me permettent aujourd’hui d’ébranler mes idéaux et mes principes. Mais je ne peux m’empêcher de penser à toutes ces filles comme moi, qui ressentent une pression énorme, provenant non seulement des autres, de leurs partenaires, mais surtout d’elle-même.


J’avais la chance d’avoir eu une éducation familiale qui me permettait d’être à l’aise à parler de ce genre de choses, ce qui n’est pas le cas de la majorité des gens. Je sais aussi que malgré tout le support dont on peut bénéficier, il est difficile de se sentir autre chose 
qu’en détresse. Mon témoignage n’est pas dans un but d’encourager ou de décourager face aux douleurs sexuelles, mais pour amener l’idée que l’adaptation à une situation n’est pas nécessairement linéaire, et qu’en fait, elle est toujours en continu.

 

Quand on croit avoir fait le tour d’une question, il est toujours possible d’évoluer, et remettre les choses en perspectives. Après 3 ans de diagnostic officiel, je ne peux pas dire que je suis guérie, mais j’avance petit à petit. Je ne sais pas si un jour je connaîtrai la guérison, mais être à sa recherche me permet de découvrir d’autre part de moi-même. Cela peut sembler affreusement cliché, mais je ne serai sans doute pas la personne résiliente que je suis aujourd’hui sans tout ce chemin parcouru.



Je n’aurai pas non plus la relation que j’ai avec mon amoureux, si nous n’avions pas eu à nous remettre constamment en question. Me poser pour écrire cet article, et approcher cette question comme un aspect déterminant de l’adulte que je deviens m’a fait un bien énorme. Tout ce que je souhaite, c’est inspiré d’autres femmes à accueillir tout ce que ce type de cette situation peut amener, d’observer ce que cela ébranle, et de tenter de voir au-delà.

 

J’espère sincèrement avoir inspiré plus d’une femme à se repositionner face à sa sexualité, aux normes établies et surtout, encourager à parler de ce phénomène plus présent que l’on peut s’imaginer.

Aurélie

                                                                                                                                                                                     

 



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