Martine Fortin est une sexologue originaire de l’Abitibi-Témiscamingue. Diplômée en sexologie de l’Université du Québec à Montréal en 1986 et en toxicomanie, elle pratique depuis 5 ans chez les Consultants BCH à Rouyn-Noranda. Dans cette entrevue, elle nous donne sa vision de la sexualité en 2018, des pistes de solution pour être plus inclusives et les valeurs qu’elle prône pour une sexualité plus authentique.
Comment perçois-tu la sexualité aujourd’hui?
Il y a beaucoup de choses qui sont très positives, dont un aspect fort important rattaché à l’accessibilité de l’information sur les médias sociaux et l’Internet. Ces technologies démocratisent l’accès à l’information, à des modèles diversifiés et à la connaissance de l’existence de nombreux phénomènes. De plus, nous assistons depuis une dizaine d’années à une redéfinition des standards et des modèles sexuels existants. Il y a eu énormément de développements autour des diversités sexuelles et je me suis beaucoup attardée dans ma pratique au domaine de la transidentité.
D’un autre côté, je considère que nous avons une grave problématique reliée à l’univers de la pornographie, surtout au niveau de la conception que les gens se font de ce qu’est la sexualité. La pornographie, c’est beaucoup de choses, mais ce n’est pas les dimensions psycho-affectives de la sexualité humaine. Son accessibilité amène beaucoup de personnes à faire le glissement vers des sites qui présentent du matériel pornographique à caractère pédophilique ou très violent.
Enfin, je pense que le mouvement féministe depuis les 50 dernières année a permis à certaines communautés marginalisées de se coller sur ces mouvements de revendication comme modèle et de favoriser la recherche, l’émergence de coalitions, de groupes de soutien, de groupes de défense des droits. Cela représente une très belle évolution. Je suis heureuse de pouvoir compter sur plusieurs organismes et chaires de recherche sur la question des diversités sexuelles, incluant également l’hétérosexualité.
Quels sont les principaux défis/obstacles auxquels les gens sont confrontés au niveau de leur sexualité?
Chez les jeunes adultes, ceux-ci sont trop exposés à une sexualité de performance à travers les médias, les réseaux sociaux et la pornographie. Ils se sentent rapidement malheureux de ne pas vivre une sexualité si extraordinaire, fabuleuse dès les premiers rapports. De l’éducation est nécessaire pour recadrer tout ça et diminuer le sentiment de culpabilité chez les jeunes. Il faut dévier l’objectif, soit de passer de la performance à l’aisance. La sexualité est un apprentissage de vie, qui se déroule de la naissance jusqu’à la mort. Les relations sexuelles sont des pratiques qui s’apprennent au fil de la vie et la performance est un obstacle.
Comment peut-on parler de sexualité de façon plus inclusive?
J’estime que ça passe par l’éducation et la formation. J’ai à cœur un discours articulé qui transmet des informations et des positions qui sont basées sur la recherche, sur les données probantes et les meilleures pratiques. Je pense qu’il faut parler de la sexualité humaine dans son ensemble, s’attarder aux différences. C’est important d’adapter notre vocabulaire, nos pratiques, nos réseaux d’éducation, de santé et services sociaux pour accueillir tous les types de clientèles.
Pour le vivre sur le terrain, je collabore avec plusieurs types de professionnel.les, il y a beaucoup plus de réceptivité dans les milieux scolaires pour accueillir la diversité sexuelle et les minorités. C’est impressionnant comment, en ayant les bons mots, en sécurisant et en informant les gens, ils démontrent une ouverture, une souplesse envers un changement dans leur milieu pour que celui-ci devienne un milieu de vie sécuritaire et naturel pour les jeunes et les adultes.
Néanmoins, c’est encore difficile de parler de diversité sexuelle dans certains milieux de travail, notamment les milieux typiquement masculins. Je pense par exemple au domaine minier dans le Grand Nord. On retrouve beaucoup de sexisme, une objectivation de la sexualité et beaucoup de violence. La sexualité est souvent véhiculée à travers des rapports de force et de domination. Il reste encore beaucoup d’éducation à faire.
Quelles sont selon toi les valeurs essentielles pour une sexualité saine?
Ce qui me vient à l’esprit de façon spontanée, c’est la question du respect. Le respect des corps, des valeurs des autres, des diversités, des limites de chacun, le respect de l’expression et des différences par rapport à la sexualité.
Vient ensuite la sécurité : vivre dans des environnements sains et sécurisants. Qu’il y ait une volonté des différents paliers gouvernementaux de s’assurer que la population est à l’abris des méfaits, des agressions à caractère sexuel, de l’intimidation, du sexisme et de toute autre formes de violence.
Je crois sincèrement qu’il faut réfléchir la sexualité à travers toutes ses dimensions. La dimension biologique, la dimension psychologique reliée à l’identité et l’univers des émotions, la dimension culturelle liées aux façons de faire de chaque peuple et culture. Il existe aussi la dimension éthique qui est très importante, liée à la spiritualité. Ce dimension représente le fondement, les valeurs avec lesquelles notre société exprime ses comportements et ses attitudes face à la sexualité. Finalement, la dimension cognitive, la connaissance de son corps et de la sexualité humaine.
Dégénitaliser la pratique de la sexualité et l’accueillir avec toutes ses dimensions : j’estime que ça humanise beaucoup le discours et ça amène les personne à vivre une plus belle harmonie dans leur vécu sexuel.
Tu as des questions pour Martine?
Viens rejoindre la conversation dans la communauté inclusive & féministe !